Le 1er décembre 2020, le ministre de l’Agriculture Julien Denormandie présentait la stratégie nationale pour le développement des protéines végétales. L’objectif principal de ce plan est de rompre la dépendance française aux importations de protéines végétales étrangères et de renforcer la position de la France dans le secteur. Comment cette stratégie a-t-elle été élaborée ? Quelles en sont les ambitions et les moyens ? Sur quels acteurs s’appuiera-t-elle ? Protéines France a fait le point avec Antoine Peeters, son Délégué Général, et avec Thierry Berlizot, directeur du projet Protéines du plan de relance au ministère de l’Agriculture et de l’alimentation.
Les protéines végétales au centre d’un triple défi
Le développement des protéines végétales avait déjà fait l’objet d’un plan gouvernemental mis en place par Stéphane Le Fol pour les années 2014 à 2020. En 2018, les Etats généraux de l’alimentation (EGalim) avaient mis en évidence la nécessité de renforcer l’autonomie protéique de la France et d’accompagner le changement des habitudes alimentaires des français. A partir de 2019, une démarche de réflexion profonde et partenariale a été conduite en vue d’élaborer un plan protéines. Elle a réuni plus de 80 parties prenantes : administration, interprofessions, coopératives agricoles, acteurs de l’aval et de la transformation, acteurs de l’innovation et de la recherche, etc. Dans cette démarche de réflexion partenariale, Terres Univia, l’interprofession des huiles et protéines végétales, ainsi que Protéines France ont eu un rôle majeur d’animation et de propositions.
Il s’agissait de répondre à trois défis formalisés ainsi : réduire la dépendance de la France aux importations de matières riches en protéines, notamment le soja importé de pays tiers ; améliorer l’autonomie alimentaire des élevages, à l’échelle des exploitations, des territoires et des filières ; et développer une offre de produits riches en protéines. Le Président de la République s’est lui-même saisi de ces enjeux et a souhaité que le plan de relance soit l’occasion de mettre en œuvre le plan protéines en y consacrant des moyens importants pour lui donner une impulsion décisive.
Le plan protéines a donc été présenté le 1er décembre 2020 avec des ambitions à horizon 2030. Actuellement, près d’un million d’hectares sont semés avec des espèces riches en protéines végétales (soja, pois, légumes secs, luzerne, légumineuses fourragères). Les surfaces semées avec ces espèces doivent augmenter de 40 % en 3 ans et doubler d’ici 2030 pour atteindre 8 % de la surface agricole utile, ou 2 millions d’hectares. L’autonomie alimentaire de l’élevage en sources de protéines doit augmenter de 10 % pour atteindre 88 %.
Une stratégie adossée sur des crédits du plan de relance
Le plan de relance annoncé le 3 septembre par le gouvernement consacre 100 millions d’euros au secteur des protéines végétales. Ces crédits ne résument pas à eux seuls le Plan protéines (ils s’étalent sur 3 ans, contre 10 ans pour la stratégie nationale en faveur du développement des protéines végétales). Cependant, comme le rappelle Thierry Berlizot, responsable du plan protéines au sein du ministère de l’Agriculture et de l’alimentation, le plan France Relance « jouera un rôle de catalyseur » du Plan Protéines. Ces crédits seront répartis sur cinq volets.
Le premier concerne les aides à l’investissement dans des équipements spécifiques permettant la culture, la récolte et le séchage d’espèces riches en protéines végétales et le développement de sursemis de légumineuses fourragères : petits séchoirs, machines dédiées à la récolte des légumineuses, etc. Devant le succès rencontré par ce premier guichet saturant très rapidement l’enveloppe initiale de 20M€, le Ministre a souhaité de manière très exceptionnelle l’augmenter d’un montant équivalent pour permettre le lancement d’un nouvel appel à projets dans les semaines qui viennent. C’est ainsi plus de 120M€ du plan de relance qui seront mobilisés pour la mise en route du plan Protéines.
Le second volet, le plus important en volume de subventions (50 millions d’euros), concerne le soutien à la structuration de la filière et aux investissements sur l’aval. Les appels à projets sont en cours. Il pourra s’agir, à titre d’exemple, de la construction d’une unité de déshydratation de luzerne mettant en relation des producteurs de luzerne avec des éleveurs, d’une unité de valorisation de protéines végétales pour en extraire certains acides aminés à destination de l’industrie, etc. « C’est fondamental, car c’est ce qui va dynamiser le marché et donc soutenir l’augmentation de la production par la demande de l’aval » explique Thierry Berlizot.
Le troisième volet concerne les projets de recherche et développement sur les protéines végétales auxquels sont consacrés 27 millions d’euros. 7 millions d’euros sont consacrés à la recherche variétale sur les légumineuses et aux entreprises qui développent d’autres formes de protéines : l’objectif est notamment d’obtenir des variétés résistant aux stress et d’augmenter leurs rendements. Le reste des crédits est dédié d’une part à la recherche de nouveaux parcours agronomiques, en partenariat avec Terres Inovia : il s’agit de tester des parcours de rotations culturales intégrant davantage de légumineuses, d’évaluer leurs avantages et leurs difficultés puis de les diffuser auprès des agriculteurs. D’autre part, il s’agira de développer de nouvelles pratiques d’élevage utilisant des productions locales de fourrages riches en protéines en remplacement des protéines végétales importées, en partenariat avec l’IDELE, l’institut technique de la filière élevage.
Enfin, le dernier volet (3 millions d’euros) sera consacré à la promotion des protéines végétales dans l’alimentation en particulier des enfants, selon les recommandations du PNNS.
En parallèle, le plan protéines prévoit une dynamisation des start-up du secteur, en lien avec BPIFrance qui jouera son rôle habituel de conseil et d’accompagnement des entreprises dans leur phase de développement. Protéines France accompagnera cette dynamique, notamment par son écosystème ou le programme Protein Connect.
Protéines France, un acteur engagé pour la réussite du Plan Protéines
Outre sa contribution au développement de la stratégie nationale, Protéines France participera activement à la mise en œuvre de plusieurs pans de la stratégie. Ainsi, l’Association mènera notamment des actions sur la question de la normalisation des protéines végétales, en lien avec l’AFNOR et Terres Univia. Protéines France va également travailler avec BPIFrance dans le cadre des programmes d’accompagnement proposé aux start-up du secteur des protéines végétales et nouvelles ressources.
De manière plus générale et indirecte, les 26 adhérents de Protéines France sont des entreprises engagées sur l’ensemble de la chaîne de valeur pour le développement des protéines végétales et nouvelles ressources. Pour augmenter la surface agricole utile dédiée aux protéagineux, les acteurs semenciers et coopératifs de l’Association comme Limagrain, Saatbau, Lidea, Vivescia ou encore Tereos sont par exemple en première ligne. D’autres adhérents sont des acteurs majeurs de l’aval et investissent dans la création d’usine de valorisation de protéines végétales, comme Avril, ou dans la création de nouveaux produits comme Herta ou NxtFood. Le rôle de Protéines France est de créer un écosystème favorable à l’émergence de nouveaux projets collaboratifs. « Ce sont eux qui concrétisent les ambitions du plan de relance » conclut Antoine Peeters, DG de Protéines France.